Romain ILTIS, Meilleur Sommelier de France 2012

Romain Iltis, Alsacien formé à l’école hôtelière d’Illkirch-Graffenstaden et aujourd’hui chef sommelier du restaurant L’Arnsbourg à Baerenthal, a remporté, le lundi 15 octobre à Marseille, le titre de Meilleur sommelier de France à l’issue de la finale d’un concours organisé par l’UDSF en partenariat avec le Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence.

A 30 ans, ce passionné du vin à l’enthousiasme communicatif, avait passé pour la quatrième fois consécutive avec succès la phase de qualification. Mais si, à Strasbourg (2006) puis Perpignan (2008) il n’avait pas atteint la finale, cette fois, à l’image de la performance réussie à Fontevraud (2010) il figurait bien dans le dernier carré. Il y était accompagné par Pascaline Lepeltier (Rouge tomate à New-York), Florent Martin (Hôtel George V à Paris) et Antoine Petrus (Restaurant Lasserre à Paris).

 

Devant plus de 600 spectateurs, dans l’amphithéâtre du Palais du Pharo, Romain Iltis a donc dominé une finale d’un niveau exceptionnel où il devait tour à tour faire preuve d’expérience pratique, de finesse dans l’art de la dégustation et de connaissances théoriques.

A l’annonce du palmarès, le jeune Alsacien a laissé éclater sa joie, associant aussitôt à son succès quelques personnalités qui ont marqué son parcours professionnel. « Trois hommes sont essentiels, Antoine Woerlé mon professeur au lycée Alexandre-Dumas, Yvon Gautier de ‘La verte vallée’ à Munster qui m’a mis le pied à l’étrier, et Serge Dubs notre meilleur sommelier du monde qui constitue pour nous tous un symbole… La force de la sommellerie alsacienne, c’est d’abord une certaine abnégation. Nous ne renonçons jamais tant que le succès n’est pas là. C’est aussi le dynamisme de notre association dont de très nombreux membres sont venus m’encourager. »

 

Bien décidé à savourer ce titre, Romain Iltis souligne qu’il « récompense plus de six ans de travail. Un concours, c’est l’envie de progresser puis cela donne un but à cette progression et finalement la compétition devient un jeu ! Mon prochain objectif, le concours du meilleur ouvrier de France. Mais avant je vais simplement profiter de cette victoire… »

Texte et photos Jean Bernard

 
 
 

Le règlement du contentieux relatif au « Tokay d’Alsace »

 

Données actuelles et questions nouvelles

Michel Feuerbach Avocat au Barreau de Strasbourg

Le Tokay d'Alsace ou plus précisément le Tokay-Pinot Gris vit  ses derniers mois au nombre des vins produits en Alsace.

A compter du 1er avril 2007, il ne pourra plus être mis sur le marché de vin d'appellation " Tokay " ou " Tokay -pinot gris " et on ne pourra plus trouver sur nos tables, dans nos caves ou sur les marchés que du Pinot gris d'appellation d'origine contrôlée Alsace sauf en ce qui concerne les vins mis en bouteilles sous le régime précédent.

Désormais, les contrevenants, producteurs, négociants, cavistes mais aussi les distributeurs, restaurateurs sont susceptibles d'encourir les peines pour le délit prévu à l'article L 115-6 Code de  la consommation ou, en cas de simple manquement à la conformité de l'étiquetage ou de la présentation, pour la contravention de 3ème classe prévue à l'article R 115-6 du même code

Il n'a pas suffi qu'au terme d'une longue polémique, le vin ainsi produit à partir du cépage unique pinot-gris et commercialisé sous la  dénomination Tokay ou Tokay-Pinot Gris, soit promis à une amputation substantielle dans sa présentation par l'effet d'un accord entre l'Union Européenne et la République de Hongrie en date du 23 novembre 1993 et ayant attribué à la Hongrie l'exclusivité des droits à l'appellation (1).

 Le 16 octobre 2006 s'est tenue à l'Ambassade de Hongrie à Paris, une cérémonie de " restitution " de l'appellation " TOKAY " de  l'Alsace, ou plutôt du Comité Interprofessionnel de la Viticulture Alsacienne, à la Hongrie avec remise d'un présent des cristalleries de Baccarat, largement relayée par la presse locale et nationale.

Dans le même temps, la viticulture du Frioul italien, également  productrice de vins distribués sous l'appellation " Tocai friulano "  ou " Tocai " s'en tenait à une cérémonie, certes, festive mais qui  n'avait aucunement le caractère d'une fête abdicative (2) lors de  laquelle on a préféré des applaudissements " à un ami qui s'en va " plutôt qu'une minute de silence ou plutôt qu'une cérémonie comparable, dans son esprit, à la restitution de HONG-KONG par le Royaume-Uni à la Chine Populaire ou, si elles devaient avoir lieu,  aux protocoles restitution de l'obélisque de la Place de la Concorde à l'Egypte ou des frises de marbre du Parthénon à la Grèce par le Royaume Uni.

Il faut cependant reconnaître que le litige, car cela en a été  un, est ancien et n'a pas été traité de la même façon du côté italien  que du côté français.

Le règlement de la question du Tokay peut laisser des regrets mais correspond bien à une équation juridique admissible en présence de pugnacités différentes selon que l'on soit de l'un ou de l'autre côté des Alpes.

En revanche, ce règlement communautaire doit être relativisé à l'échelle mondiale, ce qui a été quelque peu perdu de vue à  l'occasion des différents cérémonials européens.

1) UN ANCIEN LITIGE MAL CONNU

 En Alsace et indépendamment de ses souverainetés successives, la  dénomination TOKAY et l'adjectif substantivé " TOKAJER " désignaient  tant le cépage que le vin mis sur le marché et issu du pinot gris.

 Il ne fait plus de doute que le vin et le cépage litigieux  d'Alsace n'a rien de commun pas plus à l'étude ampélographique qu'à  l'examen oenologique avec les vins hongrois de la région de Tokaj.

Le produit alsacien est issu d'un cépage unique, le pinot-gris, tandis que le vin produit dans l'aire d'appellation TOKAJ en Hongrie mais aussi, désormais, en Slovaquie peut être le produit de cépages forts distincts et vinifiés soit à partir d'un cépage unique soit en assemblage.

Les cépages de culture en Hongrie sont le Furmint, le Hàrslevelü  et le muskatoly (variété de muscat ottonel)

Pour sa part, le Tocai friulano qui est aussi bien le nom désignant tant le cépage que le vin mis sur le marché, est une variété de sauvignon vert.

Cependant que le Tokaj hongrois est un vin à facettes multiples et à vinifications très variées (vins blancs secs, vins à forte concentration du type vendanges tardives, vins accompagnant des desserts…) même si on y retrouve une typicité commune tenant à la  touche aromatique d'oxydation, le Tocai frioulan est un vin essentiellement produit de raisins à maturité et donne lieu à une  typicité de vin sec et d'accompagnement de repas.

Feu le Tokay d'Alsace et désormais le pinot gris est plutôt un  vin rond et charpenté pouvant varier du type vin sec jusqu'aux complexités particulières au gré de ses modes d'élaboration possibles en Grand Cru d'Alsace, en Vendanges Tardives ou en Sélection de  Grains Nobles.

Ces observations incontestables laissent dés lors à penser que l'explication attribuant au Baron Lazare de Schwendi l'importation du  cépage " Tokay " depuis les collines magyares vers les rives du Rhin  à la fin du 16ème siècle (3) , n'aura pas nécessairement servi la cause  de la défense du vin alsacien même si l'on s'accorde à n'en faire  qu'une légende à l'examen historique (4).

Pour leur part, les italiens estiment que le Tokaj hongrois aurait suivi une trajectoire inverse et que notamment, le cépage  principalement connu en Hongrie, le Furmint, serait une variété italienne (et peut-être française ?) apportée en terre magyare grâce  aux relations privilégiées ayant existé entre la Couronne hongroise  et Bertoldo di Merania.
Ce dernier était issu de la famille bavaroise d'Andechs.

Il sera notamment nommé patriarche d'Aquilea après avoir été homme d'Eglise et anobli par le Roi de Hongrie, Andrea II, lequel  avait épousé la sœur de Bertoldo di Merania, Gertrude, au début du 13ème siècle. (5)

En particulier, le Furmint aurait été apporté sur les terres hongroises grâce à Bertoldo et procèderait d'une dénomination se  rapportant à la couleur jaune-froment laquelle serait à l'origine du nom du cépage.

Cela n'est cependant pas très explicatif de l'emprunt manifeste fait par les italiens à la ville ainsi qu'à la région de TOKAY en Hongrie pour la dénomination de leurs vins à partir du 18ème siècle  et en partie favorisé par la circonstance que, province acquise de  longue date aux Habsbourg, le Frioul aura la même souveraineté  autrichienne puis austro-hongroise, à partir de 1867, que la région  de Tokay jusqu'à l'issue de la 1ère guerre mondiale..

La dénomination "TOKAY" est attestée en Alsace ou pour des vins  de cette région par des écrits datant de 1781 et 1782, ainsi que par  des étiquettes de 1852 et 18626 témoignant d'usages locaux, et au  moins constants.

La qualité des vins hongrois de Tokay a valu à celui-ci des lettres de noblesse depuis la table du Maréchal de Richelieu ainsi  que le rapporte Alexandre DUMAS (7) jusqu'à la fameuse citation de Louis XV à Madame de Pompadour " Voici Madame, le roi des vins et le vin des rois "

La double monarchie austro-hongroise a souhaité protéger son  appellation régionale depuis fort longtemps et un accord " interne "  de 1907 est venu délimiter les communes hongroises dans lesquelles le  Tokaj pouvait être produit.

L'issue du premier conflit mondial n'aura guère favorisé cette  prétention à une protection du produit au-delà des nouvelles  frontières imposées par les vainqueurs du conflit ce d'autant que la  Hongrie s'était également distinguée par la mise sur le marché de  nombreux produits usurpant des appellations hautement symboliques  pour la France: le Champagne et le Cognac.

Lors de la signature du " Traité de Trianon ", le 4 Juin 1920,  portant traité de paix avec la Hongrie, l'article 210 engageait  secondairement la France à renoncer à l'utilisation de dénominations  déjà protégées par une appellation régionale mais imposait, sous  réserve de réciprocité, à la Hongrie de s'abstenir de toute  usurpation similaire qui visait notamment le Champagne et le Cognac.

Peu de temps après, un accord commercial conclu entre les Etats  Français et Hongrois le 21 Décembre 1926, portait interdiction de  l'utilisation de la dénomination"Tokay" dans la distribution des vins  d'Alsace connus sous ce nom en même temps que se confirmait  l'interdiction de distribution de produits sous les appellations  Champagne et Cognac.

Il est admis que cet accord commercial est demeuré lettre morte  et que le Tokay s'écoulera encore pour quelques décennies et sans  inquiétude sous l'appellation litigieuse en provenance d'Alsace.

En revanche, des jugements du Tribunal de Colmar intervenus en  1932 et 1935 dans les affaires de délimitation judiciaire des aires  de production du KAEFFERKOPF et du SONNENGLANZ, ne mentionnaient  aucunement le Tokay mais se contentaient d'indiquer le pinot sans  aucune indication de couleur du cépage (8).

Il semble cependant qu'il n'en allait que d'un oubli et non pas  d'une traduction tendant à donner des effets juridiques à l'accord de  1929.

Cependant, différents textes relatifs au statut de l'appellation  d'Origine des vins d'Alsace en feront l'exacte mention :

  • l'Ordonnance 45-2675 du 2 Novembre 1945 relative aux  Appellations d'Origine des vins d'Alsace. (9)
  • le décret 71-554 du 30 juin 1971 relatif à l'appellation contrôlée "Vin d'Alsace " ou Alsace. (10)

  • les décrets instituant l'appellation Grand Cru d'Alsace en date  du 20 novembre 1975. (11)

 Depuis lors, tous ces textes compilés ou consolidés ont été  adaptés et comprennent tous l'alternative Pinot gris – Tokay dont le  sort est scellé.

 On sait relativement peu de choses des revendications hongroises en la matière entre la fin du second conflit mondial et la  renaissance de l'économie hongroise dans les années ayant suivi les  événements de Budapest en 1956.

2) UN RÈGLEMENT DU LITIGE TOURMENTÉ MAIS DÉFINITIF AU SENS DU DROIT  COMMUNAUTAIRE

Le lobby hongrois des producteurs de Tokay aura finalement  triomphé pour sa persévérance mais aussi pour avoir reçu le soutien  de fameuses compagnies d'assurance françaises qui, dés la fin des années 1980 ont acheté des domaines entiers de production du Tokaj  hongrois (Hétszölö, Megyer-Pojzos, Disznokö, Hegyalja…)

Au début des années 1990, le langage des responsables de la  viticulture alsacienne avait été beaucoup moins mesuré qu'à  l'occasion des cérémonies de restitution et on ne craignait pas à  l'époque d'évoquer une contre-partie à la fermeture des frontières  nationales face à l'invasion des foies-gras hongrois. (12)

Quelques temps auparavant, suivant un règlement CEE R 2164/80 du  8 Août 1980, la Commission de Bruxelles est intervenue dans le  dénouement du problème de la dénomination " Tokay " mettant ainsi fin  à près de 35 années d'écoulement paisible du produit alsacien.

La dénomination " Tokay d'Alsace " y faisait l'objet d'une  suppression pure et simple.
Pour la Commission, il s'agissait de réglementer les synonymes  des noms de variétés de vigne " pouvant être utilisés pour désigner  les vins commercialisés dans la Communauté Economique Européenne ".
Imposée sans dialogue et donc fustigée par les acteurs de la viticulture alsacienne, cette mesure a réussi à s'attirer un  tempérament puisque par un Règlement du 10 Août 1984, la dénomination  Tokay Pinot gris" a été admise pour les vins du cépage pinot gris  originaires des départements du Haut Rhin et du Bas Rhin. (13)

Il sera renvoyé au 3ème considérant de ce règlement qui témoigne  d'un étonnant caractère timoré et malléable de l'art " législatif ",  en tout cas réglementaire de la Commission.

Cependant, l'Union Européenne s'engagera dans les termes de  l'accord précité de 1993 avec la Hongrie en organisant l'interdiction  progressive de l'emploi de toute référence au Tokay s'agissant de vins qui n'en étaient pas originaires.
Dés lors, il sera disposé que l'indication " Tokay " survivrait jusqu'au 31 mars 2007 au plus tard, tant en Italie qu'en France mais, dans le cas du produit alsacien, en association avec le nom du cépage  " Pinot Gris " ainsi que l'a confirmé l'annexe X des mesures  transitoires relatives au traité d'Adhésion à l'Union Européenne  signé par la Hongrie le 16 avril 2003 à Athènes.

Pourtant, la viticulture italienne du Frioul n'avait pas entendu  se plier à ces mesures et avait notamment poursuivi l'annulation de  la réglementation nationale italienne portant mise en œuvre de  l'interdiction prévue par l'accord souscrit en 1993 par l'Union Européenne avec la Hongrie.
La région du Frioul et de Vénétie contestait notamment le  caractère d'indication géographique des appellations " Tocai Friulano" et " Tocai Italico " qui n'aurait été que le nom d'une variété de vigne reconnue en Italie.
L'ensemble de l'argumentation Frioulane et Vénitienne sera rejeté  suivant une décision de la Cour de Justice des Communautés, saisie sur question préjudicielle par le Tribunal administratif du Latium,  en date du 12 mai 2002. (14)

La Cour estimera qu'il n'existe pas de véritable homonymie dés  lors que l'on se trouvait en présence d'une dénomination commune à  une indication géographique et à un nom de cépage.
Cette solution s'appuyait notamment sur l'accord ADPIC  qui  n'exigeait pas que le nom d'un cépage déjà utilisé pour la  désignation d'un vin communautaire puisse continuer à être utilisé à  l'avenir, ce qui signifie qu'il n'existe pas de droit acquis à la dénomination d'un vin par son cépage au cas de conflit avec, par  exemple, une indication géographique.

En revanche, ce même accord ADPIC précisait en son article 24 § 6  que les dispositions pertinentes de l'accord ADPIC en ce qu'elles portent sur les indications géographiques n'exigeaient pas " d'un  pays membre qu'il applique les dispositions de la présente section en  ce qui concerne une indication géographique de tout autre membre pour les produits de la vigne dont l'indication pertinente est identique  au nom usuel d'une variété de raisin existant sur le territoire de ce  membre à la date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'OMC ".
Or, la question a bien été réglée dans les termes de l'accord  négocié et ratifié entre l'Union européenne et la Hongrie en 1993, soit avant l'accord ADPIC (15), ce que ce même accord n'interdit ni ne  restreint nullement.

La Cour de Justice a également estimé que l'interdiction ne  constituait pas une privation définitive de propriété protégée par  l'article 1er al. 1 du Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme et qu'elle avait aussi comme  fondement d'assurer aux consommateurs une information exacte et précise sur les produits en même temps que de protéger les  producteurs sur leur territoire contre des troubles à la concurrence.

Enfin, la Cour a estimé l'interdiction proportionnée au but  d'intérêt général en présence d'un régime d'élimination transitoire  ayant permis l'emploi des appellations Tokay ou Tocai ainsi qu'à raison de l'existence de mentions alternatives telles que Pinot gris  pour l'Alsace et Friulano pour l'Italie une fois passé le 1er avril  2006.

En définitive, la dénomination TOKAY sera partagée entre la  Hongrie et la Slovaquie dont certaines régions viticoles font partie  de la région TOKAY située au nord-est de Budapest à la frontière des  deux pays nouvellement admis dans l'Union Européenne.
Il y a lieu de rappeler que les traités de Paix souscrits à  l'issue du premier conflit mondial avaient tracé la frontière entre  les deux nouveaux Etats au milieu de la région viticole de Tokay dont  le production à concurrence de 20 % provient de la viticulture slovaque.

Suivant un accord du 15 juin 2004, la Hongrie et la Slovaquie se  sont entendus sur une reconnaissance mutuelle des aires d'appellation du Tokay de sorte que la Hongrie aura cédé sur le point de  l'exclusivité de ses droits sur l'appellation d'origine TOKAY mais pour des raisons au moins juridiquement acceptables.
Cet accord a été adressé pour approbation à la Commission et la  France avait rapidement fait connaître son agrément alors que  l'Italie mais aussi la Slovénie, également productrice de quelques vins distribués sous l'appellation " Tocai " ont fait valoir leurs  protestations lesquelles ne seront pas retenues.
C'est aussi la première définition d'une région d'appellation  d'origine partagée entre deux Etats.
L'accord entre la Hongrie et la Slovaquie a été également  fortement appuyé par l'Union Européenne qui ne pouvait méconnaître une situation gênante dans la perspective de la prochaine adhésion slovaque au Traité d'Athènes dés lors que par une lecture stricte de  l'accord bilatéral de 1993, elle interdisait toute exportation de  vins de Tokay d'origine slovaque pour en avoir attribué les droits  exclusifs à la Hongrie.
L'accord n'a d'ailleurs pas été simple dés lors qu'au mépris de  la souveraineté slovaque , la Hongrie avait exigé un temps de  pratiquer les contrôles de qualité pour garantir des standards uniformes s'agissant des vins de la partie slovaque de la région de  Tokay.

La solution donnée au contentieux avec l'Alsace et le Frioul peut  laisser quelque peu perplexe dés lors que beaucoup de consommateurs  de pinot gris alsacien qui, naturellement, ne connaissent pas ces  subtilités historiques et juridiques, continueront à désigner le vin  par l'ancienne et traditionnelle dénomination d'usage et parfois sans  même songer à l'homonymie avec la région viticole hongroise et  aujourd'hui slovaque.
En particulier, les consommateurs dialectophones et germanophones  désignent souvent le produit par l'adjectif substantivé " Tokajer "  qui emprunte bel et bien l'indication d'origine sans nécessairement  en situer exactement l'origine.

On peut admettre que l'emploi de la désignation du vin par son  seul nom de cépage " pinot gris " gagne du terrain mais la perte de  prestige ne se discute pas tout en étant soigneusement tue.
Aussi, ce n'est pas en vain et peut-être pour renouer avec cette  part de prestige ou d'exotisme perdu qu'une cave alsacienne, pressentant les effets de la perte du droit à l'appellation Tokay,  distribue à présent l'ancien Tokay d'Alsace sous l'appellation en  langue italienne " Pinot grigio " ce que les viticulteurs frioulans  apprécieront même si le Tocai italien n'était pas produit à partir du  pinot gris.

En second lieu, on peut se poser la question de ce qui pourrait  advenir aux vins désignés sous le nom de " traminer " d'à travers le  monde mais aussi au Gewurztraminer, si la région viticole de Tramin dans le Tyrol italien venait à revendiquer l'usage exclusif de  l'indication d'origine même en langue allemande.
Il est vrai cependant que la protection des appellations  d'origine revêt également un caractère facultatif politiquement  douteux en terme d'ordre public et de protection des consommateurs  dont le meilleur exemple est à présent fromager.
L'Emmental est à l'origine un fromage de la vallée bernoise de l'Emme mais il est produit à l'envi depuis l'Autriche jusqu'en  Irlande et la France en est son principal producteur.
A l'opposé, on se souvient de la querelle aux relents de nationalisme hellénique à l'occasion de la demande par l'Etat Grec de  la reconnaissance de sa " Feta " au titre d'appellation d'origine  protégée (AOP) et qui a abouti à une admission tumultueuse en dépit  de l'opposition du Danemark, de l'Allemagne et de la France forts de  leur importante industrie laitière et fromagère alors que le terme "  feta " n'était aucunement une indication géographique de provenance.
Par un arrêt du 25 octobre 2005, la Cour de Justice des  Communautés a cependant estimé que la dénomination Feta n'était pas  devenu générique et qu'elle correspondait à une aire géographique  délimitée ainsi qu'à des conditions de production naturelles  spécifiques. (16)

Pour en revenir au vin, on ne saurait méconnaître les  systématiques campagnes et actions du Comité Interprofessionnel des  vins de Champagne sur tous les fronts planétaires en vue d'éliminer toutes les usurpations possibles de l'indication d'origine si  prestigieuse depuis l'eau minérale jusqu'au parfum en passant par la  bière depuis plus d'un siècle et demi. (17)
C'est d'ailleurs en raison de cette intransigeante ténacité que  les vins mousseux comme le Crémant d'Alsace ont été privés du droit à  la mention " Méthode Champenoise " depuis un Règlement du Conseil  2333/92 du 13 juillet 1992. (18)

Enfin, le règlement de la question de l'appellation TOKAY doit  aussi s'apprécier sur un autre plan qui témoigne d'une étape  supplémentaire de la globalisation.

En matière de produits de l'industrie incluant l'agro- alimentaire, certains termes géographiques servant à leur désignation  ont parfois perdu de leur substance en ce qu'ils désignent une  origine géographique. (19)
Face à de véritables et incontestables indications d'origine, il  a été mis en relief la catégorie des semis-génériques qui est plutôt  une particularité américaine instituée par l'ancien Bureau fédéral  des alcools, du tabac et des Armes à feu (BATF) devenu le " Alcohol,  and Tobacco Tax and Trade Bureau " qui dépend du Trésor américain et  qui a en charge le contrôle des étiquettes et des publicités  commerciales pour les vins.
 Il est admis que ces semi-génériques correspondent bien à des  indications d'origine concernant des vins parfois de grande renommée  mais qu'ils peuvent également servir à la désignation d'un type de  vin d'une origine autre que celle à laquelle se réfère le terme semi- générique.

La liste ainsi constituée mentionne des indications géographiques  qui ne sont pas neutres même sous leur présentation parfois anglo- saxonne : burgundy, chablis, champagne, malaga, chianti, madeira,  moselle, port, rhine wine, sauterne et tokay.

Des typicités particulières sont associées pour chaque  dénomination et soumises à contrôle du bureau fédéral.

S'agissant de la désignation tokay, il est fait référence à un  vin californien " flame tokay " pratiquement liquoreux d'une teneur  en alcool se situant entre 16 et 22 % d'alcool volumique ce que ni  les vins de Hongrie ni ceux d'Alsace ne sauraient raisonnablement ni  légalement atteindre.
Suivant un accord signé à Londres entre l'Union européenne et les  Etats-Unis du 10 mars 2006 relatif au Commerce du vin, le  gouvernement américain s'engageait à proposer au Congrès dans les  trois années à venir une transformation du statut de dix-sept  dénominations dont celles évoquées plus haut et qui désignent des  appellations européennes mais actuellement considérées comme semi- génériques aux Etats-Unis.
 Tout en reconnaissant des pratiques viti-vinicoles américaines  radicalement illégales en Europe, l'Union Européenne a cru voir dans  cet accord une victoire négociée de la viticulture du Vieux-continent  s'agissant du Tokay ou de n'importe laquelle des origines concernées.

Pourtant, la discussion et la réflexion s'imposent sur le plan  juridique car l'accord paraît très flou et dépourvu d'articulation  des engagements pris par les Etats-Unis. En revanche, il constitue une tangible reconnaissance des usurpations que l'accord se proposait  de combattre même si d'autres négociations de contrôle forment aussi  partie des obligations de ce même acte entre l'Union européenne et  les Etats Unis.

Une analyse du péril lié à cet accord déjà paraphé entre les  parties le 15 septembre 2005 a été faite dans un rapport  parlementaire français du 22 novembre 2005. (20)

Cette survivance de la dénomination Tokay pour des vins produits  aux Etats Unis est sans incidence sur la perte définitive du droit à  l'appellation par les viticulteurs frioulans et alsaciens.

Le Tokay Hongrois a donc bien gagné la partie européenne de son  combat mais le Nouveau monde l'attend au tournant de sa seule bonne  volonté vis-à-vis des engagements pris avec l'Union européenne.

 

 

Notes

  1.    
  2. J.O CEE 31/12/1993
  3. "Il Velino" Tocai friulano: " E se invece di un Requiem fosse  un Ouverture " 13/10/2006 & G. Dotto "Da oggi Tocai è un passato  remoto " www.panorama.it
  4. Ch. Gérard : " L'Ancienne Alsace à Table " Alsatia 1971, p. 272.
  5. Collectif : " Histoire de l'Alsace " sous la dir. de Philippe  Dollinger , Privat Editeur 1970.
  6. G.F. Cromaz : "Il Tocai: Note storiche sul contenzioso con  l'Ungheria" Notiziario ERSA 1/2001 Udine.
  7. Médard BARTH in " Der Rebbau des Elsa?es und die  Abasatzgebiete seiner Weine" Ed. LE ROUX Strasbourg 1958
  8. Alexandre DUMAS " La Pérouse " Prologue Chapitre II (où il est  question d'un Tokay de 1714).
  9. Tribunal de 1ère Instance COLMAR 24 février 1932 (Kaefferkopf)  et Tribunal de 1ère Instance COLMAR 11 décembre 1935 (Sonnenglanz)
  10. Journal officiel "Lois et Décrets" du 04/11/1945 page 7238
  11. Journal officiel "Lois et Décrets" du 11/07/1971page 6871
  12. J.O 24/11/1975
  13. DNA 29 novembre 1990.
  14. J.O CEE 13 août 1984
  15. CJCE 12 mai 2002 Regione Autonoma Friuli-Venezia ..c/ Ministero delle Politiche Agricole e Foerstali (C-347/03)
  16. Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle  qui touchent au Commerce souscrit par l'Union dans le cadre de  l'Organisation Mondiale du Commerce signé le 15 avril 1994 à Marrakech.
  17. Communiqué de Presse CJCE n° 92/05
  18. C.A Paris 15 décembre 1993 Gaz. Pal. 23-24 janvier 1994 p. 10
  19. (JO CEE L 231, p. 9),
  20. Cf : Norbert OLZSAK " Droit des Appellations d'origine et  indications de provenance " Tec & Doc 2001  Rapport d'information A.N n° 2685 22/11/2005  

 

 

Paru dans un journal du Cap

L'harmonisation mondiale du vin suit son cours. Depuis le 1er janvier, la production de « Cape Port », c'est a dire de vin rouge fortifié d'Afrique du sud est désormais interdite. Cette nouvelle loi s'applique pour le millésime 2012 dont les vendanges, prometteuse, viennent de débuter.

Les nouvelles dénominations se partagent désormais ainsi : Cape Ruby, Cape Vintage, Cape Tawny et Cape Pink

Mais la « victoire » portugaise de protection n'est pas totale. En effet, Calitzdorp, ville situé dans la région du klein Karoo, reste « Port Capital of South Africa » (capitale des vins de porto d'afrique du sud et les meilleurs d'entre eux continuent de participer au concours annuel du « Cape port challenge ». Le mot « port » n'est donc pas encore totalement banni d'utilisation, comme le mot champagne d'ailleurs….

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