David Biraud : « Cette deuxième place, un sentiment de revanche »
Publié le 12/10/2013 par Le Figaro Vin
Photo : Jean Bernard
Le sommelier français David Biraud a terminé deuxième des championnats d’Europe en Italie. Pour le Figaro Vin, il revient sur cette épreuve mais aussi sur l’année 2013 marquée par son échec au concours de meilleur sommelier du monde.
Cela fait 20 ans que David Biraud écume les concours de sommellerie : championnats de France, d’Europe ou du monde. Des compétitions exigeantes où se mèlent partie théorique, dégustations, ou présentations de crus. Savoir parler de vins ou les reconnaître dans ces concours demande énormément de préparation. « Entre 20 et 25 heures par semaine avant la compétition« , glisse-t-il. Fin septembre, David Biraud a terminé deuxième des championnnats d’Europe derrière le Suédois Jon Arvid Rosengren.
Le Figaro Vin : comment se sont déroulés ces championnats d’Europe ?
David Biraud: « En obtenant la deuxième place, ça s’est très bien passé. Il y a avait un petit sentiment de revanche. Le concours mondial s’était arrêté un peu tôt pour moi (NDLR: il avait pris seulement la douzième place en mars dernier à Tokyo). J’avais un goût d’inachevé car je m’étais lancé dans une très longue préparation pour ce mondial, commencée en mai 2012. Ce fut pratiquement un an d’entraînement. Et ce fut un échec. Cette deuxième place aux championnats d’Europe m’a donc permis de rebondir. Je suis ravi mais Jon a été meilleur que moi le jour J. »
Après le concours de meilleur sommelier du monde en mars dernier, avez-vous eu le recul nécessaire pour comprendre les raisons de votre échec ?
D.B : « Je n’ai pas eu le temps de gamberger. Quelques semaines après ce concours, il y avait la pré-sélection au niveau de la France pour ces Championnats d’Europe. J’ai continué sur ma lancée et sur la préparation que j’avais faite pour Tokyo. En revanche après la fin des pré-sélections, j’ai pris le temps, avec mon équipe qui m’a accompagné dans cette préparation, pour savoir ce qui n’avait pas fonctionné. J’ai revu des bouts de films de la NHK (la télé nationale japonaise). On s’est rendu compte que sur le questionnaire concernant tous les liquides, le vin bien sûr, les alcools forts, les eaux-de-vie, les apéritifs mais également les cafés, les infusions, etc, je n’étais peut être pas encore au point. C’est un questionnaire extrêmement vaste. Il faut tout connaître : l’histoire, la législation… J’ai alors mené une réflexion en ce sens. La partie théorique est importante et s’il faut apprendre les sous-régions de la Slovénie, alors il faut le faire ! Il y a une grosse part de bachotage. Après la pré-sélection mi-mai, j’ai décidé de me concentrer sur la théorie jusqu’en août dernier. Trois mois à apprendre, réapprendre. Cela prend énormément de temps. Avec Internet, la quantité d’informations est affolante. Et désormais tous les sommeliers qui tentent ces concours ont accès à ces connaissances. »
Les concours sont de plus en plus rudes comme par exemple l’épreuve de dégustation à l’aveugle. Qu’est-ce qui rend ces concours de plus en plus difficiles ?
D.B: « Il y a de plus en plus de diversité dans le monde viticole. Tout connaître, avoir tout déguster est quasi impossible. C’est d’autant plus complexe que certains cépages se retrouvent un peu partout dans le monde. Il est alors compliqué de donner la provenance exacte d’un vin. Le pays, la région. A l’épreuve de dégustation à l’aveugle, il y a de grands écarts entre les réponses données par les concurrents. Et les gens se disent : ‘Ah ils ne trouvent pas, ce ne sont pas des vrais dégustateurs’. Aujourd’hui tout se complexifie avec des cépages similaires, plantés dans différents endroits, mais aussi avec des vins d’assemblage. En revanche aux Championnats d’Europe, les trois premiers Jon Arvid Rosengren, Julia Scavo et moi avons découvert à l’aveugle le bon vin. Et c’est gratifiant : un Barolo 2007. On a reconnu les caractéristiques de ce vin, son cépage, le nebbiolo, l’année, 2007, qui est une année où le Barolo s’exprime déjà alors que c’est un vin qui a besoin de nombreuses années pour se dévoiler. On a su tous les trois le repérer. Après il y a des choses qui nous échappent. Au mondial, il fallait le trouver, le gewurz’ vendanges tardives d’Israël ! »
Une pression supplémentaire d’être français
Pour ces concours, ressentez-vous une pression de votre employeur, (NDLR: David Biraud travaille au restaurant, Sur Mesure, dirigé par Thierry Marx, au Mandarin Oriental à Paris) ?
D.B : « Non, cela n’a jamais été un condition d’engagement. Les équipes du Mandarin m’ont permis de m’entraîner, de me dégager un peu de temps pour me préparer. Mais il n’y a jamais eu de pression directe au point de me dire qu’il fallait que je devienne meilleur sommelier du monde. Après je suis conscient qu’un titre pareil, avec la couveture médiatique que cela engendre, serait un plus pour moi mais aussi pour le restaurant. »
S’il n’y a pas de pression de la part de votre employeur, n-y-at-il pas une pression inhérente au fait d’être français ?
D.B: « Indéniablement. On est le pays du vin. On se doit d’être les premiers. C’est une pression supplémentaire d’autant que la France n’a plus gagné le titre de meilleur sommelier du monde depuis 13 ans. (NDLR: Olivier Poussier a remporté le concours en 2000). Mais la concurrence est de plus en plus forte et reflète l’ouverture du monde du vin à tous les pays. Il y a désormais 15 nations majeures. Après si l’on regarde de plus près les résultats, on se rend compte que la France est quand même encore au-dessus, dans la représentation. Aux derniers championnats d’Europe, sur les 10 demi-finalistes, 4 étaient français (NDLR : après trois années d’exercice dans un autre pays, un sommelier étranger peut défendre les couleurs du pays dans lequel il exerce son métier).
Vous projetez-vous déjà dans le prochain concours de meilleur sommelier du monde ?
D.B : »Non, j’ai besoin de souffler, de couper vraiment. Les pré-sélections ne sont pas avant deux ans. J’ai retrouvé avec plaisir mon travail au Mandarin. Et puis j’ai envie de repartir sillonner les vignobles. Je m’apprête à descendre deux jours à Montpeyroux (Coteaux-du-Languedoc) pour découvrir des vins, de nouveaux vignerons aussi. Cela fait aussi partie de mon métier. »